L’occupation allemande, qui s’est étendue à la plus grande partie de l’Europe entre 1939 et 1941, suscite en retour plusieurs formes de résistance, dont la variété même fournit de nombreux sujets d’étude potentiels. La résistance est en effet politique et armée, militaire et civile, clandestine et institutionnelle, rurale et urbaine… Résister, c’est d’abord entreprendre une action envers l’opinion, c’est donc imprimer des tracts et des journaux clandestins, chercher à entretenir l’espoir et combattre la propagande nazie. La presse clandestine est ainsi, partout et dans tous les pays occupés, une activité essentielle des mouvements de résistance, contribuant par ailleurs à définir leur identité et à les positionner politiquement les uns par rapport aux autres.
Résister c’est ensuite mener une action contre l’ennemi : renseigner, organiser des filières d’évasion, conduire des opérations armées dont l’ampleur et le cadre, des actions des maquisards aux attentats ciblés en zone urbaine, des paysages du Vercors à une station du métro parisien, peuvent varier radicalement. Cette résistance peut être individuelle, souvent spontanée, et témoigner, par la simple écoute de radioLondres comme par l’aide que certains apportent aux personnes persécutées, du refus de l’ordre nazi et de son projet raciste. Elle peut aussi être plus collective et renvoyer à des formes d’action plus organisées, menées dans le cadre de réseaux structurés et clandestins qui sont progressivement inventés. Elle peut enfin se développer au sein des administrations publiques, des usines, de l’armée d’armistice ou même des camps d’internement et concerner des acteurs aux profils professionnels et aux convictions politiques extrêmement variés, de l’officier de marine d’Estienne d’Orves au journaliste Gabriel Péri.
Ces résistances se développent dans toute l’Europe occupée, mais le cadre géographique de leur apparition conditionne lui-même quelques-unes de leurs formes : les vastes étendues de Russie ou d’Ukraine se prêtent ainsi à la constitution de bandes de partisans fortes de plusieurs dizaines de milliers d’hommes et capables de mener d’intenses actions de guérilla sur les arrières de l’armée allemande ; les zones montagneuses des Balkans abritent également de fortes concentrations de réfractaires à l’ordre nazi, souvent constituées à partir d’éléments des armées nationales vaincues. En Europe de l’Ouest, par contre, les grandes regroupements d’hommes armés n’ont pas la même ampleur ni d’ailleurs le même succès : les territoires qu’ils contrôlent, souvent de manière éphémère, dépassent rarement la taille d’une vallée ou d’un plateau et la menace militaire qu’ils font peser sur l’occupant reste toute relative. Encore faut-il rendre compte, dans cette diversité spatiale, de la situation politique particulière des pays occupés : les résistances ne se développent pas de la même façon, et n’ont pas les mêmes caractéristiques, selon que les forces de l’Axe peuvent, ou non, s’appuyer sur une administration reconnue au moins comme partiellement légitime par la population ; selon qu’il existe, ou non, un gouvernement en exil ; selon enfin que les occupants mettent, ou non, en œuvre une politique ethnocidaire : la France n’est pas la Pologne, dont la situation diffère tout aussi bien de celle des Pays-Bas…
Il apparaît enfin nécessaire d’inscrire cette étude des résistances en Europe dans un cadre chronologique qui doit lui-même faire le lien avec l’évolution des opérations militaires. Les engagements évoluent dans le temps et les résistances de 1940 ne sont bien sûr pas exactement les mêmes que celles de 1944. Les réseaux se construisent, se structurent, s’organisent et s’unifient parfois. A partir de 1942, les premiers revers allemands éclaircissent l’horizon de leurs opposants en même temps que se durcit la traque dont ces derniers font l’objet. S’intéresser aux résistances, c’est aussi s’intéresser aux répressions qu’elles subissent. De ce point de vue, les années 1943-1944 constituent un tournant à l’Ouest, avec l’importation par l’armée allemande de pratiques de combat auparavant réservées à l’Est. La perspective d’un débarquement allié sur les côtes françaises justifie en effet la mise en œuvre d’une politique impitoyable à l’encontre de groupes résistants susceptibles de faire peser une menace sur les arrières de la Wehrmacht. Les résistances sur le point de triompher et engagées dans les combats de la Libération connaissent alors des heures particulièrement dramatiques. L’action des résistances, leur rôle dans les combats de la Libération et les conditions géostratégiques dans lesquelles s’effectue celle-ci conditionnent enfin aussi en partie l’ordre politique qui émerge après-guerre, l’importance prise par la résistance communiste favorisant par exemple en Europe de l’est la mise en place de régimes inféodés à Moscou.
Mise à jour : mars 2021