Une école pleinement inclusive doit offrir à chacun, de la maternelle au lycée, une scolarité adaptée à ses besoins. Dans cette perspective, les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sont formés à des gestes professionnels spécifiques. Ils ont pour mission de favoriser l’autonomie des élèves qu’ils accompagnent, dans les actes de la vie quotidienne, dans l’accès aux activités d’apprentissage comme dans la vie sociale et relationnelle.
L’expérience des contacts humains
Murielle Lazzarina-Dubois a fait ses débuts dans le métier d’AESH en accompagnant individuellement un élève de troisième, dyslexique. Assise à côté de lui, elle prenait en note tous ses cours. Et lors des contrôles, elle écrivait sous sa dictée. Il était tout à fait capable de réfléchir mais pas d’écrire. S’est ajouté ensuite un élève autiste Asperger, qui écrivait très mal et souffrait de troubles de l’attention avec hyperactivité (TDAH).
Ces missions ne l’ont pas prise au dépourvu car, après avoir travaillé pendant vingt ans comme responsable en boulangerie, elle avait repris des études. Sa formation initiale (un bac F8 médico-social) la destinait plutôt à l’aide à la personne. Elle prépare alors un diplôme d’aide médico-psychologique à l’IRTESS (institut régional supérieur du travail éducatif et social). Elle trouve ensuite de l’embauche, d’abord en maison de retraite, où elle s’occupe de patients atteints des maladies d’Alzheimer ou de Parkinson, puis au service d’adultes handicapés et d’adolescents autistes. Elle connaît déjà les structures de prise en charge des personnes handicapées, et notamment la MDPH, qui instruit les dossiers et décide des notifications.
Elle suit la formation statutaire de 60 heures des AESH, mise en œuvre par l’académie de Dijon, qui lui permet de comprendre l’organigramme du rectorat et lui apporte quelques rappels sur les troubles des enfants. Depuis elle suit régulièrement des formations continues, inscrites au PAF (plan académique de formation) ou organisées localement par le PIAL de Beaune, centrées par exemple sur les troubles du langage ou sur les comportements difficiles.
Depuis quatre ans, Murielle exerce à Beaune, dans un dispositif ULIS, qui accueille huit élèves, du CP au CM2. Elle les accompagne individuellement, dans leur classe de rattachement, pour certaines disciplines, et anime des ateliers lors des regroupements, sous la direction de l’enseignant-coordonnateur de l’ULIS. Chaque élève est tantôt dans sa classe, tantôt en regroupement, tantôt pris en charge par un professionnel du SESSAD (psychomotricien, orthophoniste…).
« Ce n’est jamais la routine. »
En plus de son contrat d’AESH, elle est employée pendant la cantine ainsi que pour l’étude, comme aide-éducatrice. La plupart des AESH complètent ainsi leur temps partiel (22 heures) et leur rémunération sur le temps périscolaire ou en tant qu’auto-entrepreneurs.
Une journée type ?
Murielle arrive toujours en avance pour pouvoir prendre un café avec ses collègues AESH. À 8h30, alors que les élèves sont accueillis dans leurs classes respectives, elle échange avec le coordonnateur ULIS (temps de transmission) pour faire le point et préparer le déroulement de la journée.
Ensuite elle accompagne individuellement un élève de CE1 pendant le « jogging d’écriture » et la séance d’acrostiches. Les élèves de CP sont regroupés avec le coordonnateur pour le rituel de la date et pour la séance de lecture/écriture. L’enseignant donne ensuite à chaque élève le programme à suivre. La composition du groupe change selon les jours et les semaines.
À chaque fois qu’un élève participe à une activité commune (bibliothèque, sport…), deux élèves de sa classe viennent le chercher en classe ULIS.
Le rôle de l’AESH
Murielle apprécie beaucoup la variété de son poste actuel. Elle préfère s’occuper de plusieurs élèves différents dans la journée, passer de l’aide individuelle à l’animation d’une activité d’apprentissage en petit groupe. Pendant les temps d’accompagnement en classe ordinaire, cela se passe très bien avec les professeurs des différentes disciplines. « Cela me permet de rafraîchir mes connaissances… » Quand elle a commencé et qu’elle accompagnait un élève de collège, elle avait pris plaisir à s’auto-former le soir en espagnol pour pouvoir prendre en note les cours sans trop de fautes, alors qu’elle n’avait jamais étudié cette langue pendant sa scolarité !
« L’AESH qui s’occupait de lui jusque-là est partie en cours d’année. Il n’était pas au courant. C’était compliqué pour lui de m’accepter. »
Murielle ne passe pas sous silence les difficultés du métier. Le premier élève dont elle s’est occupée « ne voulait pas [d’elle] ». « L’AESH qui s’occupait de lui jusque-là est partie en cours d’année. Il n’était pas au courant. C’était compliqué pour lui de m’accepter. » Heureusement le professeur principal est intervenu pour l’aider. De même, il n’a pas été facile ensuite pour cet élève de la « partager » avec un autre élève.
Tel élève comprend bien et travaille très vite. Dès qu’il a terminé l’activité, il faut sortir, l’emmener en salle de motricité ou s’installer au fond de la salle et lui donner une autre occupation. Les autres élèves acceptent qu’il ait un programme adapté. Ces enfants sont souvent plus fatigables que la moyenne ; il faut savoir alléger ce qu’on leur demande. On ne fait pas tous les exercices ; dès que l’élève a compris, on valide la réussite. L’AESH fait souvent le point en fin de cours avec l’enseignant, peut lui suggérer de photocopier les textes avec d’autres types de caractères ou de modifier l’espacement ou l’interlignage.
« J’aime bien être installée au fond de la salle de classe pour pouvoir discuter avec l’élève sans gêner le déroulement du cours et sortir en cas de besoin. Ce n’est pas toujours possible. »
Parfois les enfants ont besoin d’être aidés dans les gestes de la vie quotidienne, par exemple être accompagnés aux toilettes. Parfois il faut les surveiller pendant les récréations, s’ils sont agressifs avec les autres enfants, plutôt que de prendre une pause.
Elle a été amenée à s’occuper d’un élève de CP souffrant de troubles du comportement. « C’est le plus difficile. » « Il faisait beaucoup de bruit, je devais le sortir de la classe, il mordait tout le monde, se battait tout le temps ; il passait sous la table, il fallait que je lui coure après… » « Il faut être vigilant, anticiper les crises, canaliser l’élève, l’aider à descendre en pression, le mettre en sécurité, savoir temporiser. »
Elle s’appuie beaucoup sur l’équipe des AESH de l’établissement, sur l’AESH-référente du PIAL, même en dehors des réunions qui ont lieu tous les trois mois. Elle n’hésite pas à dialoguer avec les enseignants ou à solliciter l’équipe de direction. Les échanges avec les collègues sont précieux, leur expérience aide à adapter ses pratiques, à trouver des solutions à plusieurs.
« Quand on rencontre des difficultés, il ne faut pas rester seul. »
Les AESH sont rarement en contact direct avec les parents. Ils peuvent échanger avec eux lors des réunions de suivi de scolarité. Mais ce sont les enseignants qui servent d’intermédiaires.
Une autre difficulté tient à la précarité du métier. « Il faut accepter les changements imprévus, ne pas savoir en juillet où l’on sera nommé à la rentrée suivante. »
Ce qui est très motivant, c’est de constater les progrès des enfants. Murielle en suit certains depuis quatre ans. Tel élève de CE1 qui ne savait ni lire ni écrire… « C’est valorisant et gratifiant de voir que notre accompagnement a porté ses fruits. Parfois ils n’ont plus besoin d’aide l’année suivante. » Il faut savoir donner du temps à l’élève, ne pas le stresser sous peine de le bloquer, lui donner confiance en lui. La différence avec les autres élèves ‒ parfois un fossé ‒ s’amenuise voire s’efface.
« J’amène juste le petit coup de pouce dont ces élèves ont besoin pour se rendre compte qu’ils peuvent suivre comme les autres. »
« Le regard des autres élèves sur eux change aussi. En effet, ils sont souvent très démonstratifs et d’une grande gentillesse. Il arrive même qu’un élève devienne la mascotte de la classe. Cela amène plus de bienveillance, plus de cohésion, moins d’individualisme dans l’établissement. Ils sont toujours bien intégrés. »
Conseils à un aspirant AESH
C’est un métier agréable. La complicité créée avec les élèves accompagnés est très gratifiante. Les liens avec les enseignants donnent le sentiment de faire vraiment partie d’une équipe. Et les contacts avec les spécialistes ou la direction sont assez privilégiés. Voir les résultats tangibles des progrès des enfants donne envie de continuer à s’investir.
Ce métier présente encore d’autres avantages. Il est moins fatigant physiquement que d’autres, malgré le bruit et la fatigue psychique parfois. Les horaires de travail (8h30-16h30) sont plaisants et on bénéficie des vacances scolaires. Cela permet de consacrer du temps à ses propres enfants.
Mais il faut savoir écouter l’élève, être patient. Se faire le plus discret possible pour ne pas gêner les autres élèves. Savoir rester à sa place vis-à-vis de l’enseignant, savoir se faire accepter de lui. Savoir se remettre en cause, s’adapter et relativiser. Il faut aussi respecter le secret médical.
« Il faut savoir s’adapter, se remettre en cause aussi. »
Et surtout ne pas rester isolé en cas de difficulté.
Portrait chinois
« Si j’étais un animal, je serais un caméléon, car une AESH doit savoir se fondre dans le décor sans faire de bruit, ne pas gêner les autres élèves ni l’enseignant, être discrète, malléable et adaptable. »
Remerciements
Hélène Pipon, cheffe du service de l’école inclusive (UNEC21), Sandrine Marion, coordonnatrice, Natacha Pallier, chargée de mission auprès de l’inspectrice AESH, en Côte-d’Or, Hélène Martin (58), Maud Eono (71), Murielle Lazzarina-Dubois, AESH-co en ULIS premier degré au Sacré-Cœur de Beaune.
Annexes
Mise à jour : octobre 2024